Place du Trocadéro à Paris, mardi 11 avril, ils étaient plusieurs centaines à acclamer l’arrivée des quatre « handbikers » partis de Nantes le 25 mars, avec pour but d’interpeller les candidats à l’élection présidentielle sur le handicap. Après avoir parcouru 450 kilomètres, Philippe Raimbault, en situation d’invalidité depuis dix ans, se sent « relâché ». Il pense que l’opération fera assez de bruit, à dix jours de l’élection. « On ne serait pas venus jusqu’ici à vélo si l’on n’avait pas l’espoir d’être écoutés, dit-il. La prise en compte du handicap par les candidats est vraiment trop faible, on espère que notre mouvement pourra changer les choses. »
En juin 2016, l’Association des paralysés de France (l’APF) a ouvert sa plate-forme collaborative, #2017Agirensemble, pour permettre aux « citoyens oubliés » de faire part de leurs propositions. Des propositions que l’APF, dont les quatre « handbikers » sont membres, ira porter aux différents candidats à l’Elysée cette semaine.
Cette initiative est loin d’être la première. Au mois de mars, l’Association pour adultes et jeunes handicapés (Apajh) avait invité les candidats à la présidentielle à signer un « pacte handicap ». Le 14 mars, pour sensibiliser à l’accès au travail, Mélanie Ségard, une jeune femme trisomique avait présenté un bulletin météo sur France 2, grâce à un projet porté par l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (Unapei).
21 % de chômage parmi les personnes handicapées
Si les associations se mobilisent, c’est que les revendications des personnes en situation de handicap restent nombreuses. En 2016, 21 % des personnes handicapées étaient au chômage, contre 10 % pour la moyenne nationale. L’allocation pour adulte handicapé (AAH), pouvant atteindre au maximum 810 euros par mois, est jugée insuffisante.
« J’ai vécu vingt-deux ans dans une HLM en Normandie, raconte Rémy Mellbahrzde, handicapé de naissance. Mais ne touchant que l’AAH, c’est devenu financièrement de plus en plus difficile. Je suis parti vivre dans un foyer pour handicapés en 2008. » Si le foyer, situé dans le département de la Seine-Saint-Denis, répond à ses besoins d’assistance — devenus plus importants avec l’âge —, il ne lui permet pas de se sentir comme un citoyen à part entière. « On est infantilisé au foyer. Ils prêchent pour notre autonomie, mais on ne peut pas cuisiner nous-mêmes dans nos studios, où l’espace cuisine se résume à un réfrigérateur et à un micro-ondes. On ne peut pas fumer non plus. Mais c’est mon espace privé, j’ai le droit d’y faire ce que je veux. »
Le mode d’attribution de l’AAH est également pointé du doigt. Pour une personne handicapée en couple, cette attribution dépend du salaire du conjoint. Un fait jugé inacceptable par Philippe Raimbault : « Lorsqu’on vous verse un salaire, on ne vous demande pas combien gagne votre compagnon. Cela voudrait dire que nous devons dépendre de notre conjoint pour vivre ? »
Une allocation augmentée de 2,40 euros
Pour l’APF, il faudrait au contraire que toutes les personnes handicapées, qu’elles aient pu ou non travailler, touchent un revenu équivalent au smic, sur lequel elles payeraient des impôts. De quoi permettre à cette part de la population, estimée à 18 %, de ne plus se sentir comme des citoyens de seconde zone. Une mesure que propose Jean-Luc Mélenchon, quand Jean Lassalle envisage, lui, de supprimer ce rapport de dépendance au salaire du conjoint.
D’autres candidats proposent de revaloriser l’AAH, de 100 euros, tels Benoît Hamon et Emmanuel Macron, ou de 200 euros, comme Nicolas Dupont-Aignan. « Mais revaloriser l’AAH ne changera rien, cela ne nous permettra ni d’acquérir un salaire ni d’acquérir un droit », estime le « handbiker ».
La question de la revalorisation est aussi évoquée avec amertume par Rémy Mellbahrzde : « Ils font des promesses, mais au fond, les choses ne bougent pas depuis des années. Notre allocation, qui n’avait pas changé depuis un an, a été revalorisée à hauteur de 0,3 % ce mois-ci. On touche 2,40 euros de plus maintenant. C’est comme s’ils n’avaient rien fait. »
A l’arrivée des quatre « handbikers » place du Trocadéro, Nicolas Dupont-Aignan était présent pour préciser son programme sur le handicap. Ce qui n’a pas été du goût de Philippe Raimbault : « Notre manifestation est apolitique. On ne voulait pas voir de politiques aujourd’hui. Je pense qu’il était au courant. »
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu